La décolonisation, les femmes et la dépendance

8 décembre 2023

Société

Passionnée par la sociologie ainsi que les études féministes et de genre, Magalie Lefebvre s’intéresse aux questions liées à la décolonialité et à l’intersectionnalité, sans oublier la justice sociale et l’analyse des rapports de pouvoir. Nouvellement professeure de sociologie au Cégep de Rivière-du-Loup au Québec, elle est également chargée de cours en sociologie à l’Université de Moncton, campus d’Edmundston. Elle travaille présentement à développer le contenu d’un futur webinaire sur la décolonisation, les femmes et la dépendance pour la Formation continue et elle nous parle ici de son approche pédagogique.

Elle confie tout d’abord qu’elle utilise une approche épistémologique afroféministe à tendance décoloniale. « Mon objectif de vie en une phrase? Ramener volontairement et activement la parole des femmes et des minorités de genre au centre est une initiative d’autonomisation que je prône grandement », affirme-t-elle d’emblée.

Mme Lefebvre n’hésite donc pas à discuter d’enjeux comme ceux qu’elle abordera dans son webinaire pour les sortir de l’ombre et les étaler au grand jour. « Ma manière de le faire en tant qu’enseignante est d’en parler dans mes cours. La majorité des gens ont peur de ne pas utiliser les bons termes ou, tout simplement, parce que c’est un sujet glissant. En étant biraciale, noire et blanche, je me suis donnée la mission d’en parler. J’incarne, à même mon corps, cette dualité de deux entités, l’une dominante, l’autre dominée, qui ont été longuement et volontairement séparées », avance-t-elle.

Ses activités pédagogiques puisent notamment dans du matériel créé par les groupes minoritaires pour parler de leurs réalités comme Mikana (www.mikana.ca/ ressources/) ou bien le wapikoni mobile (www.evenementswapikoni. ca/). Ses plans de cours et ses références sociologiques priorisent ainsi les personnes auteures des groupes minoritaires pour aborder les enjeux. « Citer des personnes de groupe marginalisé dans mon plan de cours et les inviter pour présenter des conférences dans nos institutions valorise leur parole. En tant que professeure, j’ai un peu de pouvoir et c’est mon rôle de faire connaitre et entendre leur voix et leurs luttes », souligne-t-elle.

Quelques concepts à maitriser

Magalie Lefebvre précise que quelques concepts de base permettront tout d’abord de mieux explorer les thématiques abordées dans son webinaire. « Pour comprendre les enjeux des femmes et des dépendances, le concept d’intersectionnalité est clé. Celui-ci a pour objectif d’aider à comprendre comment les différentes formes d’oppressions se mélangent et se renforcent entre elles. Cela met en lumière de manière concrète comment les vécus et les identités d’une personne — en fonction de son genre, son origine, ses capacités physiques, son milieu socioéconomique, etc. — peuvent influencer la façon dont elle vit certaines expériences et les inégalités qui en découlent », explique-t-elle. 

Elle définit le colonialisme comme un régime économico-politico-juridique au sein duquel la souveraineté d’individus est appropriée et dominée par d’autres. « Le plus souvent, c’est une nation qui est contrôlée, violemment conquise et colonisée, par une autre. Le Canada n’y échappe pas. La colonialité, c’est un concept qui montre la persistance de la domination des formes de pensées modernes et coloniales dans le monde contemporain et qui met en évidence ses influences dans tous les champs de la société », souligne-t-elle. 

De l’autre côté de la médaille, la décolonialité cherche donc à sortir de cette « colonialité gobale ». Pour le dire autrement, la décolonialité vise à interroger et à modifier les éléments de manière concrète qui produisent l’imaginaire social et collectif envers les groupes racialement marginalisés par le système. Des actions concrètes en ce sens peuvent comprendre l’utilisation de termes qui impliquent les groupes marginalisés comme les mots « Autochtones », « Premières Nations » ou, encore mieux, le nom décolonial qu’utilise la nation pour se nommer elle-même. Un autre exemple est le mot en N et Mme Lefebvre encourage les gens à apprendre pourquoi il est offensif dans le contexte canadien et, sans effacer l’histoire, de ne pas continuer à utiliser un terme qui blesse les communautés noires. « Ces petites actions peuvent éliminer très facilement de la détresse et éviter de faire revivre des traumas à des communautés qui sont déjà fragilisées par le système », affirme-t-elle. 

Elle discutera ensuite des concepts des femmes et de la dépendance en examinant les tendances externes qui les entourent et qui proviennent d’une autorité et d’un système colonial. « Je vais aborder les diverses facettes de l’autodestruction physique et des enjeux de santé mentale qui en découlent. Je vais parler des stéréotypes construits et de stigmas associés à la dépendance et comment cela peut nuire aux groupes marginalisés. J’aborderai l’intersectionnalité pour démontrer que, plus une personne cumule des oppressions comme être femme, noire, lesbienne, immigrante, avec une neurodiversité quelconque, plus l’enjeu de la dépendance et plus la société occidentale ont des impacts marqués sur le bien-être de ces personnes », énumère-t-elle. 

Pour le démontrer de façon concrète, elle cite une étude du Bureau d’enquêteur correctionnel. Celle-ci dévoile qu’en 2021-2022, les personnes noires représentaient 9,2% de la population carcérale globale au Canada, alors qu’elles représentent environ 3,5% de la population canadienne en général. « Je vais donc aborder comment nous avons une surreprésentation des personnes de couleur dans les prisons canadiennes et comment le stigma de la dépendance y est lié, tout comme la santé mentale, les stéréotypes et les préjugés envers les groupes marginalisés », précise-t-elle. 

Alors, pour en apprendre plus sur ces thématiques, ne manquez pas le webinaire de Magalie Lefebvre sur la décolonisation, les femmes et la dépendance qui prendra place le 18 décembre 2023.

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